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(février-avril
2002
AU JOUR LE JOURNAL MIXO-FLUXUS - QUELQUES CONCERTS
UN ARTISTE LIBRE EST UN AMATEUR PROFESSIONNEL

Mardi 9 avril Présentation de Mixo-fluxus à l'atelier Zéro-Un (Texte du programme) : Je vous propose une performance pour commémorer les 40 ans du mouvement Fluxus. Une performance en forme de pont entre la culture d'après guerre et la culture jeune et nouvelle. Mixo-Fluxus est le mixage de six disques simultanés, classés par style, substance et label (Jazz Collection, Saravah, Electrecord, Potlatch, l'Empreinte Digitale). Cette expérience spectaculaire est très excitante pour les nerfs. On distingue très clairement la beauté de chaque musique entendue séparément. Simultanément on entend aussi l'anti-jeu proche du bruit blanc. On perçoit la dynamique d'une polyrythmie Fluxus. C'est une expérience absolument bouleversante. Un flux improvisé "free" de musique écrite et de musique improvisée. Chaos, panique et flux d'informations simultanés symbolisent la société contemporaine. Cette performance prolonge dans son évidente simplicité l'expérience b/free/bifteck réalisée en 1997. La durée sera d'environ 50 minutes. La substance musicale est stockée sur le disque dur d'un multipiste numérique. La diffusion est prévue en stéréophonie. Mixo-fluxus est prévu pour être présenté dans des lieux publics ou privés de taille diverses et ne sera jamais enregistré.
mardi 19 Souvenir de la semaine passée. Belle journée. Bonne humeur. La vie semble belle. J'appelle Irène Aebi, la compagne de Steve Lacy, pour lui demander un truc. Catastrophe. La vie des grands artistes relève de la métaphysique transposée dans la vie quotidienne. Elle m'apprend le décès d'Oliver Jonhson, leur ancien batteur devenu clochard et ivrogne. Il a été retrouvé assassiné dans le quartier des Halles, battu à mort par des inconnus. Deux jours après, Irène est agressée, volée et frappée par des voyous. Steve Lacy reviens d'Italie le lendemain. Le jour d'après il est violemment renversé par une voiture. Le conducteur prend la fuite. Steve est blessé aux jambes, avec d'éventuelles complications. Les témoins s'évanouissent dans le quartier. Paranoïa et désespoir. Je suis passé leur rendre visite. Steve est immobilisé dans son lit depuis une semaine. Soigné à domicile dans sa merveilleuse maison. Il semble reprendre le dessus. La France a été très injuste à leur égard et ils partent définitivement pour l'université de Boston ou Steve est nommé professeur à partir de la saison prochaine. Catherine Tasca vient de hisser Steve au rang de commandeur des Arts et des Lettres, mais c'est une bien piètre consolation. Le soir je suis allé écouter Marc Ribot y los cubanos postizos au festival Banlieue Bleue. Histoire de dire bonjour à Anthony Coleman. C'est une sensation curieuse de revoir un vieux copain tous les deux ou trois ans. On boit un coup et on se raconte deux ou trois trucs, on se promet de se téléphoner et salut ! Les cubains postiches, comme leur nom l'indique est une musique masquée. Les années cinquante travesties en carnaval. Les rythmes cubains sans chanson et sans cuivres. Leur musique est divertissante et balance d'un rythme d'enfer. Au début du concert on a l'impression que chaque individu composant le public est retenu collé au sol par un chewing gum. Vers la fin du concert une partie du public prenait son pied et se bougeait. L'autre partie restait dans un quand à soit très soviétique milieu de siècle, raide et sévère vis à vis de ceux qui s'amusent.

Mardi 5 Ce petit journal doit se lire comme un récit à l'envers. Ici se trouve le mot fin. Les premiers jours de mars introduisent le mois de janvier. Le soleil printanier annonce les jours gris de l'hiver. C'est parti. Tout est éphémère. Samedi soir je travaillais à Canal. Dans la régie à côté se tournait une grande émission à la gloire d'Henri Salvador. Captation réalisée par Don Kent. Ambiance des grands jours dans les couloirs du niveau moins un. Monsieur Salvador, avec ses 84 piges m'a vraiment scié ! Quatre fois vingt ans avec l'énergie et l'appétit de quatre types de 20 ans en virée. Un répertoire composé exclusivement de chansons d'amour. Voix de velours. Même rire et même façon de se foutre du monde qu'à l'époque de Boris Vian. Le démarrage fût délicat, puis tout roulait d'enfer. L'émotion s'annonce sans prévenir de l'autre côté du pont d'une chanson. Je me tient droit dans la régie et j'essuie discrètement mes larmes. Triste, gai, lucide, drôle. Henri Salvador est un très grand artiste. Orchestre impeccable avec section de violons, section de cuivre et rythmique de grande classe. Les arrangements sont écrits à l'ancienne, c'est à dire parfaitement. Henri reprend "Avec le temps…" Renversant. Puis la technique se met à dérailler. Des micros cravates dans les violons, en lieu et place du couple statique d'antan créent des saturations. On demande sans ménagement à Henri de rejouer ce qu'il vient d'interpréter avec génie. Il se mare ! il se fout de leurs gueules ! Il raconte des histoires drôles ! Pause syndicale. Pause trop longue. Ca ne redémarre pas bien. La voix devient mécanique. Henri fait semblant de rien mais l'ensemble est moins bien. Il se repose sur son aisance de musicien super doué. Puis le devoir m'appelle et je n'ai pas entendu la fin. Quelle leçon de courage et de vitalité ! Une fougue, un son formidable. Des mélodies d'amour belles comme la jeunesse. Vive le jazz !
Jeudi 28 février. Reckmazladzep : en clair soirée free music pure jus. Le groupe réuni par Daunik Lazro, saxophone baryton et alto fût formé à l'occasion d'un concert en hommage à Annick Nozati. Le prospectus décrit le quartet, comme formé de manière spontanée avec Thierry Madiot, trombone basse, Dominique Répécaud, guitare électrique et Camel Zeckri guitare acoustique. Le point d'écoute et le point de vue sur l'improvisation semble mouvant et mobile dans l'espace sonore. L'assistance clairsemée est mobilisée. L'auditeur intervient mentalement pour modifier la musique et devenir acteur. L'objet sonore devient sujet. Le sujet devient désir. Le désir inconscient de l'auditeur allume une étincelle musicale. L'affectivité de l'auditeur dépend subjectivement de l'instant. J'étais un peu malade, fatigué par le métro bondé des heures d'affluence dans l'insupportable souterrain urbain. La lune était pleine et le plus proche qu'il fût possible de la terre. J'aimais à moitié. Concentration insuffisante. La free music réfléchit son propre miroir comme un feedback culturel. J'ai demandé à Daunik s'il avait pensé à la défunte dédicataire, Annick Nozati, pendant le concert ? Il m'a très honnêtement répondu par la négative. Je n'ai pas interrogé les autres participants, car une approche statistique n'a aucun sens dans l'improvisation. "L'émotion n'est qu'une perspective du mouvement, sa perspective subjective, et il est faux de dire que forme et mouvement ne sont opposés que par négation réciproque. Il n'y a pas plus de forme sans mouvement qu'un mouvement sans forme." Aster Jorn (Pour la forme)
Mercredi 27 Ecrire un journal intime sur le web est une vague conséquence de la télé réalité. Nouvel obscurantisme du temps présent. On se précipite pour montrer tout. Individualisme forcené d'une part, intimité exhibée d'une autre. Une certaine tendance à jouer les indicateurs de police se dessine volontairement. On renseigne tout le monde sur tout le monde et sur soi même. A bas les gens heureux qui vivent cachés ! Alexandre Zinoniev montrait, à l'époque de la dictature soviétique, comment la meilleur manière de cacher une chose était de l'exposer à la vue de tous. De nos jours le vrai secret est le dangereux délabrement de notre société et son inégalité radicale entre riches et pauvres.
Mardi 26 Larry Ochs, saxophones, Scott Alandela et Donald Robinson batteries. The sax & drumming core aux Instants Chavirés. Roulements de caisse claire en faveur de l'histoire du jazz. Ces musiciens californiens concrétisent les situations, créent du jeu et vont de l'avant. On pense inévitablement au duo Ali-Coltrane. Le trio deux batteries et saxo crée une joyeuse tension musicale. Seule l'extraordinaire virtuosité de Ochs au ténor résout ce déséquilibre. Le groupe tourne tellement bien que l'on croit entendre une basse, un peu comme les creux d'une sculpture en bas-relief font ressortir le volume. Cette fameuse absence de basse crée une tension qui génère une grosse énergie. Les deux batteurs prennent de longues séquences avec un jeu très précis. Mélodie des timbres, puis rythme. Enfin le saxophone se met en place avec décontraction, dans un déluge de notes qui semblent toutes nécessaire.
Lundi 25
Grand événement Universal. Michel Portal joue à l'Olympia. :-) Aujourd'hui je reste chez moi et je ne veux rien entendre. {} Petite citation des amuseurs Omar et Fred de la même maison à+. Bienvenue dans notre séquence "apprenons un nouveau mot"… Aujourd'hui familiarisons-nous avec le mot "Hypoacousie"… Qui est la diminution de l'acuité auditive… exemple "qu'est ce que tu dis, j'ai pas hypoacousie ton propos"… ou bien "il n'entend rien un peu a cousi de la musique qu'est trop forte"…
Dimanche 24. Je suis :-( ce soir :-$ j'ai été au Dépôt, la boîte queer de Paris. Il y avait des mecs genre <:-) et %-) et (V) et une :-.) version goudou de choc camionneur.Ambiance pédé faste et chic, on est loin de "mon tonton est une tata" des bords de Marne. Il y avait des [:] qui dansaient torses nus et un hermaphrodite &:-) qui se regardait dans une glace en se trémoussant. La bande son était une House techno à rendre sourd les narcisses et autres (:-) Pour moi c'est incompréhensible de voir des :-: et des =:x qui dansent pendant des heures avec une certaine élégance sur du bruit martelé dans le fond et le profond du temps.C'est le :-& rythme sans cadence des machines à l'heure du chômage. C'est la nostalgie des bruyantes usines d'avant la délocalisation. Avec un pied disco sur chaque noire. Je :-@ pour moi c'est le contraire du rythme et une putain de musique :-P. C'est {} Quand je m'approche du néant philosophique je parle le smiley de chez Microsoft. Au début c'est compliqué de lire ou d'écrire une banalité.
Samedi 23 Repas consternant d'après match. Je mange au Restaurant des Sports en face du stade. Seules les deux vieilles bonnes femmes qui s'activent au service représentent la gent féminine. La salle est bourrée de types sinistres qui regardent d'un air hagard le résumé de la 27ème journée du championnat. La télé est incroyablement bruyante. La bière coule à flot. Salle couleur néon. Ambiance enfumée. La tristesse semble sans fond et la misère limitée à l'esprit. Leur équipe s'installe dans la zone de relégation en division inférieure, malgré une victoire ce soir contre Bastia. Les hôtels de Rennes étaient complet. Je me retrouve exilé, loin du centre, à l'hôtel restaurant séminaire du "Parc d'Activités Ouest". En cas de problème décrochez le téléphone de l'entrée. J'ai la sensation de vivre dans "Les pages images" de Jean-Luc Moulène. Arbres en fleur plantés en quinconce. Désolation d'immeubles préfabriqués. Propreté du bitume. Couleur atroce des enseignes de la grande distribution. Un chant d'oiseau matinal me donne envie d'ouvrir la double fenêtre. Surgissent les rassurantes fréquences médium de la voix express. Soleil riant sur le parking. J'ai relativement bien dormi dans cette zone gouvernée et destinée à la marchandise. Matelas de bonne qualité. Bâtiment en aggloméré prêt à s'écrouler au moindre semblant de cyclone. Hier soir j'ai regardé sur "Arte" un documentaire sur les pieds à New York. Le film était remarquablement bien monté. On se divertit à regarder de longs plans séquences de pieds féminins et masculins s'activant sur les trottoirs. Pas de visage. Cadre en dessous des genoux. L'image semble un croisement entre le style pop art et le constructivisme début XXéme siècle. La musique était de l'excellent et très efficace Don Byron.
Jeudi 21 février
Je ne sais pas exalter le sentiment de bonheur et de gaieté. Je ne soulève que les aspects sombres de ma vie. Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Tout le monde le sait. J'aimerai exprimer en musique certains moments heureux de mon existence. En général ces instants ne durent qu'une heure ou deux. Et le pathos revient précipitamment. Il faut relativiser. Etre musicien en Europe occidentale reste un grand privilège malgré les difficultés sans nombre. L'après-midi je suis passé dire bonjour aux "allumés du jazz". Ils m'ont donné trois disques pour écrire une chronique dans leur journal. Ce soir j'ai enregistré la voix de mon amie Emiko Ota pour ma pièce dédiée à Claude Closky. J'ai utilisé mon DAT portable pour capter sa belle voix lisant le calendrier 2000 avec un accent pas possible. Emiko va accoucher d'une petite fille dans 15 jours. Elle nous avait préparé des beignets japonais. Un régal à tomber par terre. Andrew Sharpley, son mari, m'a parlé de son copain plasticien dissimulé derrière "Space Invader". Il a réalisé une petite figure simplifiée en forme de tête de pixel. Inspiration des jeux vidéos années 80. Il édite ce logo envahisseur en autocollant et en carreau de faïence. Ces envahisseurs sont de même couleur que les murs sur lesquels ils sont scellés. On les remarque à peine ! Il y en a un au coin de la rue de Pantin où ils habitent. http://www.space-invader.com édite le plan des villes où il a scellé son œuvre de l'espace. Maintenant il vend ses faïences à des collectionneurs fortunés. Les médias en ont causé avec leur style inimitable. Le Palais de Tokyo s'est empressé d'utiliser un graphisme similaire pour sa communication. L'envahisseur est devenu une notoriété anonyme en peu d'hivers."Grand vent tombe à peu de pluie" (Perceval)
Mercredi 20 J'ai déjeuné avec Benjamin Barouh mon ami producteur de disques du label Saravah récemment déménagé à Nantes. C'est toujours un plaisir de converser avec lui. Aujourd'hui c'est l'anniversaire de mon petit garçon. Huit ans ! C'est un jour où je suis obligé de filer travailler vers 15h. Un enfant c'est un grand bonheur, une surprise constante et une grande responsabilité. Je ne sais pas parler du bonheur et je tiens la plupart du temps des propos irresponsables. Je doit me tenir tranquille dans un milieu exogène et relativement hostile. Le monde du travail est absolument incompatible avec une mentalité dédiée aux arts. Survivre dans une chaîne de télévision est un peu comparable à survivre dans les anciennes dictatures communistes. D'un certain point de vue c'est amusant et exotique. Tout va bien ! Je suis considéré comme un bon élément discipliné, sympathique, efficace et respecté. Du jour au lendemain je suis rayé de la planification. Rayé de la carte, liste rouge, point final. Plus personne ne se souvient de moi. Peut-être avais-je lié conversation avec une personne non homologuée. Peut-être un microbe ennemi et masqué s'est il décidé à agir. Peut-être un sous chef de service c'est il avisé de lire dans mes pensées. Peut importe, je n'existe plus qu'a l'état de virtualité. Désintégré, lyophilisé, interdit d'intermittence. Subrepticement supprimé du spectacle. Je ne représente plus que l'ombre de moi même. Disparition définitive, rideau, au revoir ! Avant-hier j'écoutais "Absence" de Steve Lacy chanté par Irène Aebi. "While all musical notes, Perform only in blue". Quelques minutes après je reçois un message électronique de mon amie Florence, attachée de presse chez Saravah. L'objet du message est intitulé "Absence"… Ce soir très bon match de la ligue des champions : Nantes Manchester Utd. Le ballon ressemble à une unique note de musique jouant une partie verte. Deux clefs génèrent hurlements, sifflets et bruit blanc. L'approche du but dans le camp adverse entraîne des cris de joie. L'approche du ballon dans le camp ami génère la peur et la tristesse. Une bonne tactique d'équipe réalise un bon match. Le tracé dessiné par le ballon peut suivre un cours logique et admirable. Maillots jaunes contre maillots rouges. Sentiments binaires. Joie et tristesse, attaque et défense. Domination des sympathiques canaris à la première mi-temps. Indécision à la deuxième. Penalty à 30 secondes de la fin contre les nantais. Egalisation des anglais. Déception. "A la porte de l'exploit" comme disent les journalistes. Rien n'est jamais sûr ! C'est cette métaphore de la vie qui doit passionner les foules. A quelques secondes prêt !
Dimanche 17. Chaque concert permet de progresser. La musique nécessite cette discipline. C'est pour moi la seule vraie raison de continuer contre les courants hostiles. Savoir faire de mieux en mieux. Pour ce qui est du faire savoir on va dire que c'est zéro pointé. Erreur de date sur le flyer électronique, pression, dépression etc. Inutile de s'étonner de l'absence relative d'audience. Il vaut mieux faire savoir qu'on ne le fait pas savoir mais enfin… Le concert au Petit Ney était plutôt réussi. La répétition de la veille était excellente. La musique était très proche de ce que j'avais imaginé. Maintenant Wayne Dockery est parti en tournée au Japon avec Sonny Fortune. Champo Villa retourne à son tourbillon d'activités et moi je me livre à mon activité favorite. Faire du sur place. Je me suis pris la tête avec ma compagne. Je me traîne vers un boulot alimentaire. Je me désole et je me décourage. Une fois de plus je n'ai aucune perspective musicale à court terme. Non je ne vais pas rester dans ce marasme. Je vais organiser des concerts à l'atelier. J'ai lu la biographie de Charles Trenet par le sympathique Pascal Bussy. La bonne humeur du grand Charles était phénoménale. Elle contraste avec ma morosité et celle de la plupart de mes contemporains. En 1939 il écrivit "Boum". Pendant la seconde guerre mondiale il créa une grande part de ses chefs d'œuvres : "Douce France" "Que reste-t-il de nos amours ?" etc. Ses meilleures chansons sont écrites avant l'âge de 30 ans, entre le Front Populaire et le milieu du siècle passé. Le "Fou Chantant" avait le génie d'escamoter le drame de l'époque et de faire surgir à la place une joie sautillante et émouvante. Le soir visite au Palais de Tokyo. L'endroit est vaste, agréable et tranquille. Le lieu est propice à la réflexion. Venir vers 22h est pour moi le moment idéal. Les travaux d'artistes ne sont pas terribles. Mais j'avais déjà le même sentiment désabusé il y a 25 ans à l'époque des biennales d'art contemporain qui se tenaient juste en face. Prière de prendre mes propos comme des impression non documentée. Rien de nouveau. Des accumulations. Des détournements de seconde zone. Quelques jeux de mots. Des concepts décatis. Un peu de cul sans excès. Le miroir d'une réflexion sur les déchets de la consommation. Un rebut d'idées anéanties par leur usage. J'ai apprécié l'application mégalomane de Curatorman avec son Super(M)Art. J'étais un peu ému par Kay Hassan. Un mur dans le fond du Palais. Comme une palissade abandonnée. Une musique rasta diffusée à bas niveau attire l'oreille puis tout le corps. Jeter un coup d'œil derrière ce qui semble être des travaux abandonnés. On n'ose pas passer. Derrière on trouve de splendides photos sur la misère et la pauvreté. Détritus par terre. Saleté. Installation subtile au sujet de l'aveuglement.
mercredi 13 février. Que faire ? Apporter la bonne musique à l'auditeur contemporain? Vivre décemment en jouant de la musique ? Expérimenter pour découvrir à nouveau ce qui a déjà été fait mille fois? Ou bien passer le temps. Passer le temps joyeusement, vibrer et s'amuser. Je chante pour passer le temps, oui pour passer le temps je chan-an-an-te… Je hante, je hante les vivants. Passer le temps avant de mourir. Passer le temps binaire. Passer le temps ternaire. Passer le temps abstrait et non mesurable. Finalement même le désespoir complet relève d'une certaine vanité. Je reste tranquille. Je respire calmement. J'ai bien dormi. Je ne suis pas prêt pour ce concert. Je ne suis pas loin ! Entre deux concerts mal payés j'aurai fait quatre piges alimentaires. Bonne moyenne ! Tant pis, tant mieux, fatalité du présent. J'ai lu le manifeste de la Fnac pour la diversité musicale. Je me pince, je ne rêve pas ! "Nous affirmons que la musique n'est pas une simple marchandise" "la standardisation prend le pas sur la diversité" etc. Finalement les gens qui ont fait du commerce et du marketing avec la musique se sont fait bouffer par les grands groupes mondiaux. Les individus ultra marginaux comme moi, vont finir par se retrouver sur le même pied d'inégalité que des artistes plus ou moins populaires. Tout le monde plonge. Bon bain !
mardi 12 "Un artiste libre est un amateur professionnel" (Asger Jorn, Pour la forme, 1957) La vie de musicien créatif devient comme un cauchemar permanent si l'on ne trouve pas l'humour nécessaire pour surmonter l'adversité et persévérer sans relâche dans ses efforts. Une lettre de refus poli, pour une éventuelle participation à un festival déclenche chez le musicien un processus destructeur. Un espoir s'évapore à nouveau. Les dernières certitudes s'envolent pour toujours. Il faut s'en foutre totalement, si non la folie s'approche à grand pas. Ou bien le doute terrible. Le doute corrosif qui empêche de jouer et de réfléchir calmement. Le doute radical m'amène à la fausse conscience : je suis un raté de la création, un mauvais musicien, un bogue de la pierre à poire. Découragement et désespoir. "Un artiste libre est un amateur professionnel" Si un organisateur ne veut pas de moi c'est parce que je suis un mauvais. Penser de cette manière et c'est l'autodestruction assurée. Si un organisateur ne veut pas de moi c'est parce qu'il est trop stupide. Penser de cette manière et c'est parti pour la prétention égocentrique et la folie délirante. Donc la seule planche de salut c'est de s'en foutre. Mais s'en foutre c'est ne pas être un artiste. Donc il n'y a pas de solution. S'en foutre plein les poches, plein le cul, plein les mirettes, plein les oreilles, s'en foutre à satiété. "Un artiste libre est un amateur professionnel"
Lundi 11. Dépression express.
Samedi 8. Anniversaire de mon ami Steven Hearn et d'une jeune fille de 25 ans habillée en robe rouge coupée style Courèges année cinquante. La fête se déroule au mystérieux Troisième Pôle, au large du cap de Bonne Espérance. Ambiance subtilement branchée avec une légère froidure typiquement parisienne. De belles filles dansent le "jerk" de Pierre Henry ou "le Petit Bal" chanté par Bourvil. On boit du vin rouge et du champagne jusqu'à tard dans la nuit.

 

Mixo-Fluxus à l'Atelier Zéro-Un après le départ des invités