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Mardi
9 avril Présentation de Mixo-fluxus à l'atelier
Zéro-Un (Texte du programme) : Je vous propose une performance
pour commémorer les 40 ans du mouvement Fluxus. Une performance
en forme de pont entre la culture d'après guerre et la culture
jeune et nouvelle. Mixo-Fluxus est le mixage de six disques simultanés,
classés par style, substance et label (Jazz Collection, Saravah,
Electrecord, Potlatch, l'Empreinte Digitale). Cette expérience
spectaculaire est très excitante pour les nerfs. On distingue très
clairement la beauté de chaque musique entendue séparément.
Simultanément on entend aussi l'anti-jeu proche du bruit blanc.
On perçoit la dynamique d'une polyrythmie Fluxus. C'est une expérience
absolument bouleversante. Un flux improvisé "free" de
musique écrite et de musique improvisée. Chaos, panique
et flux d'informations simultanés symbolisent la société
contemporaine. Cette performance prolonge dans son évidente simplicité
l'expérience b/free/bifteck réalisée en 1997. La
durée sera d'environ 50 minutes. La substance musicale est stockée
sur le disque dur d'un multipiste numérique. La diffusion est prévue
en stéréophonie. Mixo-fluxus est prévu pour être
présenté dans des lieux publics ou privés de taille
diverses et ne sera jamais enregistré.
mardi 19 Souvenir de la semaine passée. Belle journée.
Bonne humeur. La vie semble belle. J'appelle Irène Aebi, la compagne
de Steve Lacy, pour lui demander un truc. Catastrophe. La vie des grands
artistes relève de la métaphysique transposée dans
la vie quotidienne. Elle m'apprend le décès d'Oliver Jonhson,
leur ancien batteur devenu clochard et ivrogne. Il a été
retrouvé assassiné dans le quartier des Halles, battu à
mort par des inconnus. Deux jours après, Irène est agressée,
volée et frappée par des voyous. Steve Lacy reviens d'Italie
le lendemain. Le jour d'après il est violemment renversé
par une voiture. Le conducteur prend la fuite. Steve est blessé
aux jambes, avec d'éventuelles complications. Les témoins
s'évanouissent dans le quartier. Paranoïa et désespoir.
Je suis passé leur rendre visite. Steve est immobilisé dans
son lit depuis une semaine. Soigné à domicile dans sa merveilleuse
maison. Il semble reprendre le dessus. La France a été très
injuste à leur égard et ils partent définitivement
pour l'université de Boston ou Steve est nommé professeur
à partir de la saison prochaine. Catherine Tasca vient de hisser
Steve au rang de commandeur des Arts et des Lettres, mais c'est une bien
piètre consolation. Le soir je suis allé écouter
Marc Ribot y los cubanos postizos au festival Banlieue Bleue. Histoire
de dire bonjour à Anthony Coleman. C'est une sensation curieuse
de revoir un vieux copain tous les deux ou trois ans. On boit un coup
et on se raconte deux ou trois trucs, on se promet de se téléphoner
et salut ! Les cubains postiches, comme leur nom l'indique est une musique
masquée. Les années cinquante travesties en carnaval. Les
rythmes cubains sans chanson et sans cuivres. Leur musique est divertissante
et balance d'un rythme d'enfer. Au début du concert on a l'impression
que chaque individu composant le public est retenu collé au sol
par un chewing gum. Vers la fin du concert une partie du public prenait
son pied et se bougeait. L'autre partie restait dans un quand à
soit très soviétique milieu de siècle, raide et sévère
vis à vis de ceux qui s'amusent.
Mardi 5 Ce petit journal doit se lire comme un récit à
l'envers. Ici se trouve le mot fin. Les premiers jours de mars introduisent
le mois de janvier. Le soleil printanier annonce les jours gris de l'hiver.
C'est parti. Tout est éphémère. Samedi soir je travaillais
à Canal. Dans la régie à côté se tournait
une grande émission à la gloire d'Henri Salvador. Captation
réalisée par Don Kent. Ambiance des grands jours dans les
couloirs du niveau moins un. Monsieur Salvador, avec ses 84 piges m'a
vraiment scié ! Quatre fois vingt ans avec l'énergie et
l'appétit de quatre types de 20 ans en virée. Un répertoire
composé exclusivement de chansons d'amour. Voix de velours. Même
rire et même façon de se foutre du monde qu'à l'époque
de Boris Vian. Le démarrage fût délicat, puis tout
roulait d'enfer. L'émotion s'annonce sans prévenir de l'autre
côté du pont d'une chanson. Je me tient droit dans la régie
et j'essuie discrètement mes larmes. Triste, gai, lucide, drôle.
Henri Salvador est un très grand artiste. Orchestre impeccable
avec section de violons, section de cuivre et rythmique de grande classe.
Les arrangements sont écrits à l'ancienne, c'est à
dire parfaitement. Henri reprend "Avec le temps
" Renversant.
Puis la technique se met à dérailler. Des micros cravates
dans les violons, en lieu et place du couple statique d'antan créent
des saturations. On demande sans ménagement à Henri de rejouer
ce qu'il vient d'interpréter avec génie. Il se mare ! il
se fout de leurs gueules ! Il raconte des histoires drôles ! Pause
syndicale. Pause trop longue. Ca ne redémarre pas bien. La voix
devient mécanique. Henri fait semblant de rien mais l'ensemble
est moins bien. Il se repose sur son aisance de musicien super doué.
Puis le devoir m'appelle et je n'ai pas entendu la fin. Quelle leçon
de courage et de vitalité ! Une fougue, un son formidable. Des
mélodies d'amour belles comme la jeunesse. Vive le jazz !
Jeudi 28 février. Reckmazladzep : en clair soirée
free music pure jus. Le groupe réuni par Daunik Lazro, saxophone
baryton et alto fût formé à l'occasion d'un concert
en hommage à Annick Nozati. Le prospectus décrit le quartet,
comme formé de manière spontanée avec Thierry Madiot,
trombone basse, Dominique Répécaud, guitare électrique
et Camel Zeckri guitare acoustique. Le point d'écoute et le point
de vue sur l'improvisation semble mouvant et mobile dans l'espace sonore.
L'assistance clairsemée est mobilisée. L'auditeur intervient
mentalement pour modifier la musique et devenir acteur. L'objet sonore
devient sujet. Le sujet devient désir. Le désir inconscient
de l'auditeur allume une étincelle musicale. L'affectivité
de l'auditeur dépend subjectivement de l'instant. J'étais
un peu malade, fatigué par le métro bondé des heures
d'affluence dans l'insupportable souterrain urbain. La lune était
pleine et le plus proche qu'il fût possible de la terre. J'aimais
à moitié. Concentration insuffisante. La free music réfléchit
son propre miroir comme un feedback culturel. J'ai demandé à
Daunik s'il avait pensé à la défunte dédicataire,
Annick Nozati, pendant le concert ? Il m'a très honnêtement
répondu par la négative. Je n'ai pas interrogé les
autres participants, car une approche statistique n'a aucun sens dans
l'improvisation. "L'émotion n'est qu'une perspective du
mouvement, sa perspective subjective, et il est faux de dire que forme
et mouvement ne sont opposés que par négation réciproque.
Il n'y a pas plus de forme sans mouvement qu'un mouvement sans forme."
Aster Jorn (Pour la forme)
Mercredi 27 Ecrire un journal intime sur le web est une vague
conséquence de la télé réalité. Nouvel
obscurantisme du temps présent. On se précipite pour montrer
tout. Individualisme forcené d'une part, intimité exhibée
d'une autre. Une certaine tendance à jouer les indicateurs de police
se dessine volontairement. On renseigne tout le monde sur tout le monde
et sur soi même. A bas les gens heureux qui vivent cachés
! Alexandre Zinoniev montrait, à l'époque de la dictature
soviétique, comment la meilleur manière de cacher une chose
était de l'exposer à la vue de tous. De nos jours le vrai
secret est le dangereux délabrement de notre société
et son inégalité radicale entre riches et pauvres.
Mardi 26 Larry Ochs, saxophones, Scott Alandela et Donald Robinson
batteries. The sax & drumming core aux Instants Chavirés. Roulements
de caisse claire en faveur de l'histoire du jazz. Ces musiciens californiens
concrétisent les situations, créent du jeu et vont de l'avant.
On pense inévitablement au duo Ali-Coltrane. Le trio deux batteries
et saxo crée une joyeuse tension musicale. Seule l'extraordinaire
virtuosité de Ochs au ténor résout ce déséquilibre.
Le groupe tourne tellement bien que l'on croit entendre une basse, un
peu comme les creux d'une sculpture en bas-relief font ressortir le volume.
Cette fameuse absence de basse crée une tension qui génère
une grosse énergie. Les deux batteurs prennent de longues séquences
avec un jeu très précis. Mélodie des timbres, puis
rythme. Enfin le saxophone se met en place avec décontraction,
dans un déluge de notes qui semblent toutes nécessaire.
Lundi 25 Grand événement Universal. Michel Portal
joue à l'Olympia. :-) Aujourd'hui je reste chez moi et je
ne veux rien entendre. {} Petite citation des amuseurs Omar et
Fred de la même maison à+. Bienvenue dans notre
séquence "apprenons un nouveau mot"
Aujourd'hui
familiarisons-nous avec le mot "Hypoacousie"
Qui est la
diminution de l'acuité auditive
exemple "qu'est ce que
tu dis, j'ai pas hypoacousie ton propos"
ou bien "il n'entend
rien un peu a cousi de la musique qu'est trop forte"
Dimanche 24. Je suis :-( ce soir :-$ j'ai
été au Dépôt, la boîte queer de Paris.
Il y avait des mecs genre <:-) et %-) et (V) et
une :-.) version goudou de choc camionneur.Ambiance pédé
faste et chic, on est loin de "mon tonton est une tata" des
bords de Marne. Il y avait des [:] qui dansaient torses nus et
un hermaphrodite &:-) qui se regardait dans une glace en se
trémoussant. La bande son était une House techno à
rendre sourd les narcisses et autres (:-) Pour moi c'est incompréhensible
de voir des :-: et des =:x qui dansent pendant des heures
avec une certaine élégance sur du bruit martelé dans
le fond et le profond du temps.C'est le :-& rythme sans cadence
des machines à l'heure du chômage. C'est la nostalgie des
bruyantes usines d'avant la délocalisation. Avec un pied disco
sur chaque noire. Je :-@ pour moi c'est le contraire du rythme
et une putain de musique :-P. C'est {} Quand je m'approche
du néant philosophique je parle le smiley de chez Microsoft.
Au début c'est compliqué de lire ou d'écrire une
banalité.
Samedi 23 Repas consternant d'après match. Je
mange au Restaurant des Sports en face du stade. Seules les deux vieilles
bonnes femmes qui s'activent au service représentent la gent féminine.
La salle est bourrée de types sinistres qui regardent d'un air
hagard le résumé de la 27ème journée du championnat.
La télé est incroyablement bruyante. La bière coule
à flot. Salle couleur néon. Ambiance enfumée. La
tristesse semble sans fond et la misère limitée à
l'esprit. Leur équipe s'installe dans la zone de relégation
en division inférieure, malgré une victoire ce soir contre
Bastia. Les hôtels de Rennes étaient complet. Je me retrouve
exilé, loin du centre, à l'hôtel restaurant séminaire
du "Parc d'Activités Ouest". En cas de problème
décrochez le téléphone de l'entrée. J'ai la
sensation de vivre dans "Les pages images" de Jean-Luc Moulène.
Arbres en fleur plantés en quinconce. Désolation d'immeubles
préfabriqués. Propreté du bitume. Couleur atroce
des enseignes de la grande distribution. Un chant d'oiseau matinal me
donne envie d'ouvrir la double fenêtre. Surgissent les rassurantes
fréquences médium de la voix express. Soleil riant sur le
parking. J'ai relativement bien dormi dans cette zone gouvernée
et destinée à la marchandise. Matelas de bonne qualité.
Bâtiment en aggloméré prêt à s'écrouler
au moindre semblant de cyclone. Hier soir j'ai regardé sur "Arte"
un documentaire sur les pieds à New York. Le film était
remarquablement bien monté. On se divertit à regarder de
longs plans séquences de pieds féminins et masculins s'activant
sur les trottoirs. Pas de visage. Cadre en dessous des genoux. L'image
semble un croisement entre le style pop art et le constructivisme début
XXéme siècle. La musique était de l'excellent et
très efficace Don Byron.
Jeudi 21 février Je ne sais pas exalter le sentiment
de bonheur et de gaieté. Je ne soulève que les aspects sombres
de ma vie. Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Tout le monde le sait.
J'aimerai exprimer en musique certains moments heureux de mon existence.
En général ces instants ne durent qu'une heure ou deux.
Et le pathos revient précipitamment. Il faut relativiser. Etre
musicien en Europe occidentale reste un grand privilège malgré
les difficultés sans nombre. L'après-midi je suis passé
dire bonjour aux "allumés du jazz". Ils m'ont donné
trois disques pour écrire une chronique dans leur journal. Ce soir
j'ai enregistré la voix de mon amie Emiko Ota pour ma pièce
dédiée à Claude Closky. J'ai utilisé mon DAT
portable pour capter sa belle voix lisant le calendrier 2000 avec un accent
pas possible. Emiko va accoucher d'une petite fille dans 15 jours. Elle
nous avait préparé des beignets japonais. Un régal
à tomber par terre. Andrew Sharpley, son mari, m'a parlé
de son copain plasticien dissimulé derrière "Space
Invader". Il a réalisé une petite figure simplifiée
en forme de tête de pixel. Inspiration des jeux vidéos années
80. Il édite ce logo envahisseur en autocollant et en carreau de
faïence. Ces envahisseurs sont de même couleur que les murs
sur lesquels ils sont scellés. On les remarque à peine !
Il y en a un au coin de la rue de Pantin où ils habitent. http://www.space-invader.com
édite le plan des villes où il a scellé son uvre
de l'espace. Maintenant il vend ses faïences à des collectionneurs
fortunés. Les médias en ont causé avec leur style
inimitable. Le Palais de Tokyo s'est empressé d'utiliser un graphisme
similaire pour sa communication. L'envahisseur est devenu une notoriété
anonyme en peu d'hivers."Grand vent tombe à peu de pluie"
(Perceval)
Mercredi 20 J'ai déjeuné avec Benjamin
Barouh mon ami producteur de disques du label Saravah récemment
déménagé à Nantes. C'est toujours un plaisir
de converser avec lui. Aujourd'hui c'est l'anniversaire de mon petit garçon.
Huit ans ! C'est un jour où je suis obligé de filer travailler
vers 15h. Un enfant c'est un grand bonheur, une surprise constante et
une grande responsabilité. Je ne sais pas parler du bonheur et
je tiens la plupart du temps des propos irresponsables. Je doit me tenir
tranquille dans un milieu exogène et relativement hostile. Le monde
du travail est absolument incompatible avec une mentalité dédiée
aux arts. Survivre dans une chaîne de télévision est
un peu comparable à survivre dans les anciennes dictatures communistes.
D'un certain point de vue c'est amusant et exotique. Tout va bien ! Je
suis considéré comme un bon élément discipliné,
sympathique, efficace et respecté. Du jour au lendemain je suis
rayé de la planification. Rayé de la carte, liste rouge,
point final. Plus personne ne se souvient de moi. Peut-être avais-je
lié conversation avec une personne non homologuée. Peut-être
un microbe ennemi et masqué s'est il décidé à
agir. Peut-être un sous chef de service c'est il avisé de
lire dans mes pensées. Peut importe, je n'existe plus qu'a l'état
de virtualité. Désintégré, lyophilisé,
interdit d'intermittence. Subrepticement supprimé du spectacle.
Je ne représente plus que l'ombre de moi même. Disparition
définitive, rideau, au revoir ! Avant-hier j'écoutais "Absence"
de Steve Lacy chanté par Irène Aebi. "While all
musical notes, Perform only in blue". Quelques minutes après
je reçois un message électronique de mon amie Florence,
attachée de presse chez Saravah. L'objet du message est intitulé
"Absence"
Ce soir très bon match de la ligue
des champions : Nantes Manchester Utd. Le ballon ressemble à une
unique note de musique jouant une partie verte. Deux clefs génèrent
hurlements, sifflets et bruit blanc. L'approche du but dans le camp adverse
entraîne des cris de joie. L'approche du ballon dans le camp ami
génère la peur et la tristesse. Une bonne tactique d'équipe
réalise un bon match. Le tracé dessiné par le ballon
peut suivre un cours logique et admirable. Maillots jaunes contre maillots
rouges. Sentiments binaires. Joie et tristesse, attaque et défense.
Domination des sympathiques canaris à la première mi-temps.
Indécision à la deuxième. Penalty à 30 secondes
de la fin contre les nantais. Egalisation des anglais. Déception.
"A la porte de l'exploit" comme disent les journalistes.
Rien n'est jamais sûr ! C'est cette métaphore de la vie qui
doit passionner les foules. A quelques secondes prêt !
Dimanche 17. Chaque concert permet de progresser. La
musique nécessite cette discipline. C'est pour moi la seule vraie
raison de continuer contre les courants hostiles. Savoir faire
de mieux en mieux. Pour ce qui est du faire savoir on va dire que
c'est zéro pointé. Erreur de date sur le flyer électronique,
pression, dépression etc. Inutile de s'étonner de l'absence
relative d'audience. Il vaut mieux faire savoir qu'on ne le fait pas savoir
mais enfin
Le concert au Petit Ney était plutôt
réussi. La répétition de la veille était excellente.
La musique était très proche de ce que j'avais imaginé.
Maintenant Wayne Dockery est parti en tournée au Japon avec Sonny
Fortune. Champo Villa retourne à son tourbillon d'activités
et moi je me livre à mon activité favorite. Faire du sur
place. Je me suis pris la tête avec ma compagne. Je me traîne
vers un boulot alimentaire. Je me désole et je me décourage.
Une fois de plus je n'ai aucune perspective musicale à court terme.
Non je ne vais pas rester dans ce marasme. Je vais organiser des concerts
à l'atelier. J'ai lu la biographie de Charles Trenet par le sympathique
Pascal Bussy. La bonne humeur du grand Charles était phénoménale.
Elle contraste avec ma morosité et celle de la plupart de mes contemporains.
En 1939 il écrivit "Boum". Pendant la seconde
guerre mondiale il créa une grande part de ses chefs d'uvres
: "Douce France" "Que reste-t-il de nos amours ?"
etc. Ses meilleures chansons sont écrites avant l'âge
de 30 ans, entre le Front Populaire et le milieu du siècle passé.
Le "Fou Chantant" avait le génie d'escamoter le
drame de l'époque et de faire surgir à la place une joie
sautillante et émouvante. Le soir visite au Palais de Tokyo. L'endroit
est vaste, agréable et tranquille. Le lieu est propice à
la réflexion. Venir vers 22h est pour moi le moment idéal.
Les travaux d'artistes ne sont pas terribles. Mais j'avais déjà
le même sentiment désabusé il y a 25 ans à
l'époque des biennales d'art contemporain qui se tenaient juste
en face. Prière de prendre mes propos comme des impression non
documentée. Rien de nouveau. Des accumulations. Des détournements
de seconde zone. Quelques jeux de mots. Des concepts décatis. Un
peu de cul sans excès. Le miroir d'une réflexion sur les
déchets de la consommation. Un rebut d'idées anéanties
par leur usage. J'ai apprécié l'application mégalomane
de Curatorman avec son Super(M)Art. J'étais un peu ému par
Kay Hassan. Un mur dans le fond du Palais. Comme une palissade abandonnée.
Une musique rasta diffusée à bas niveau attire l'oreille
puis tout le corps. Jeter un coup d'il derrière ce qui semble
être des travaux abandonnés. On n'ose pas passer. Derrière
on trouve de splendides photos sur la misère et la pauvreté.
Détritus par terre. Saleté. Installation subtile au sujet
de l'aveuglement.
mercredi 13 février. Que faire ? Apporter la
bonne musique à l'auditeur contemporain? Vivre décemment
en jouant de la musique ? Expérimenter pour découvrir à
nouveau ce qui a déjà été fait mille fois?
Ou bien passer le temps. Passer le temps joyeusement, vibrer et s'amuser.
Je chante pour passer le temps, oui pour passer le temps je chan-an-an-te
Je hante, je hante les vivants. Passer le temps avant de mourir. Passer
le temps binaire. Passer le temps ternaire. Passer le temps abstrait et
non mesurable. Finalement même le désespoir complet relève
d'une certaine vanité. Je reste tranquille. Je respire calmement.
J'ai bien dormi. Je ne suis pas prêt pour ce concert. Je ne suis
pas loin ! Entre deux concerts mal payés j'aurai fait quatre piges
alimentaires. Bonne moyenne ! Tant pis, tant mieux, fatalité du
présent. J'ai lu le manifeste de la Fnac pour la diversité
musicale. Je me pince, je ne rêve pas ! "Nous affirmons que
la musique n'est pas une simple marchandise" "la standardisation
prend le pas sur la diversité" etc. Finalement les gens qui
ont fait du commerce et du marketing avec la musique se sont fait bouffer
par les grands groupes mondiaux. Les individus ultra marginaux comme moi,
vont finir par se retrouver sur le même pied d'inégalité
que des artistes plus ou moins populaires. Tout le monde plonge. Bon bain
!
mardi 12 "Un artiste libre est un amateur professionnel"
(Asger Jorn, Pour la forme, 1957) La vie de musicien créatif devient
comme un cauchemar permanent si l'on ne trouve pas l'humour nécessaire
pour surmonter l'adversité et persévérer sans relâche
dans ses efforts. Une lettre de refus poli, pour une éventuelle
participation à un festival déclenche chez le musicien un
processus destructeur. Un espoir s'évapore à nouveau. Les
dernières certitudes s'envolent pour toujours. Il faut s'en foutre
totalement, si non la folie s'approche à grand pas. Ou bien le
doute terrible. Le doute corrosif qui empêche de jouer et de réfléchir
calmement. Le doute radical m'amène à la fausse conscience
: je suis un raté de la création, un mauvais musicien, un
bogue de la pierre à poire. Découragement et désespoir.
"Un artiste libre est un amateur professionnel" Si un
organisateur ne veut pas de moi c'est parce que je suis un mauvais. Penser
de cette manière et c'est l'autodestruction assurée. Si
un organisateur ne veut pas de moi c'est parce qu'il est trop stupide.
Penser de cette manière et c'est parti pour la prétention
égocentrique et la folie délirante. Donc la seule planche
de salut c'est de s'en foutre. Mais s'en foutre c'est ne pas être
un artiste. Donc il n'y a pas de solution. S'en foutre plein les poches,
plein le cul, plein les mirettes, plein les oreilles, s'en foutre à
satiété. "Un artiste libre est un amateur professionnel"
Lundi 11. Dépression express.
Samedi 8. Anniversaire de mon ami Steven Hearn et d'une jeune fille
de 25 ans habillée en robe rouge coupée style Courèges
année cinquante. La fête se déroule au mystérieux
Troisième Pôle, au large du cap de Bonne Espérance.
Ambiance subtilement branchée avec une légère froidure
typiquement parisienne. De belles filles dansent le "jerk" de
Pierre Henry ou "le Petit Bal" chanté par Bourvil. On
boit du vin rouge et du champagne jusqu'à tard dans la nuit.
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Mixo-Fluxus
à l'Atelier Zéro-Un après le départ des
invités
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