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1'02
de silence dédié au soldat inconnu |
Texte
et performance réalisés en 1995 A
la manière d'un enfant lançant inlassablement
des galets à la mer, je jette naïvement une protestation dans l'océan
de l'indifférence française. Je proteste contre la recrudescence du racisme
et de l'antisémitisme. A
la manière d'un enfant qui demande pourquoi ?
je demande pourquoi certains musiciens jouent si peu, pourquoi ils sont
invités si rarement à s'exprimer, et s'ils n'ont pas de fortune personnelle,
à l'exception de quelques rares, pourquoi sont-ils au bord de la misère.
Presque comme un enfant je pleure. Je ne me déchausse pas innocemment
de mes responsabilités. Comme un dément je pleure et je
proteste en silence contre
l'invraisemblable guerre de Bosnie. A la manière d'un adulte je suis colère,
les assistants de la mafia sont proches de gouverner le monde. En silence
je réalise un compact vide,
un disque aphone,
dans le remue-média. un compact vide anti-registré vivant au cours des
festivals de l'été. De nos jours, même les bouteilles d'eau sont compactables;
jetées à la mer elles coulent sur les plages numériques. Chaque page est
une sorte de chorus muet joué avec des logos, des mots et des éléments
de récupération transformés en éléments rythmiques qui se divisent, se
doublent ou se multiplient. Ce compact vide est inspiré par les oeuvres
de John
Cage (4'33') de Guy Debord (hurlements en faveur
de Sade), et de Roscoe Mitchell (Enlorfe dédié
à John Coltrane). Esthetique orientée à l'orientale chez le compositeur,
refus intransigeant chez le cinéaste et écrivain, histoire
poétique dans l'ombre du souffle
chez le saxophoniste. Bref, tout beau, en silence, chacun sifflera ce
qu'il veut avec ce compact vide et muet. Un disque de silence, c'est économique
et facile à réaliser. C'est pratique pour les critiques et rationnel dans
ses bruyantes bonnes
intentions.Etienne Brunet, 5 juin 1995
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