(1er
janvier
2001 |
G O L D . E X C H A N G E . A R T |
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Grand
banditisme, délinquance en col blanc, fortune personnelle, soutenance de
thèse ou de filles de lEst, travail salarié, mendicité ou performances
musicales dignes dun swing man. De quoi peut bien vivre
un improvisateur de laprès Jazz ? On parle beaucoup du budget
de la culture. Est-on dans une société déconomie mixte ou dans une
société ultra libérale, mondialisée et brillamment démocratique ? Voici
pour nos amis lecteurs un paradoxe susceptible didentifier le problème.
Il fût imaginé par léconomiste William Baumol Lexécution
dune uvre musicale nest susceptible daucun progrès
de productivité (on ne peut jouer une symphonie de Mozart plus rapidement
et avec moins de musiciens) Comme les salaires ne cessent daugmenter
et que la croissance de la productivité est nulle, le déficit de lactivité
musicale augmente et nécessite des subventions croissantes des pouvoirs
publics, sauf à disparaître. Si lon prolonge les courbes, cest
tout le budget de lEtat qui est consacré à la musique. Champagne
! Evidement la musique que nous jouons en général est peu ou pas écrite. Seules les règles de limprovisation sont déterminées à lavance ou la thématique ou bien les deux. Donc les improvisateurs de jazz jouent souvent une musique qui nest ni exécutée, ni interprétée. Ils peuvent encore réaliser des gains de productivité importants. (Jouer plus vite, plus nerveux, plus méchant et avec moins de musiciens, jouer jusquau solo absolu et à la crucifixion de limprovisateur sur la scène.) Je ne discuterai pas des motivations artistiques. Je joue de la musique. Point dangoisse. Les élans de lâme sont les plus forts. Un peu comme le barde Assurancetourix de la maison Astérix . Et tout le monde lui tape sur la gueule. Ca fait du bien ! Le joueur de lyre fait tellement de bruit en chantant quil finit par gêner. Lhistoire le caricature comme jouant faux et moche. Dans Tintin cest pareil. La Castafiore fait fuir tout le monde. Succès universel ! Les Français ne sont pas musiciens. En Allemagne un candidat à des élections importantes sera photographié en jouant du piano et aux Etats Unis du saxophone ténor. En France, le candidat signera un livre écrit par un nègre. Maintenant cest différent. Le système tachète ou te laisse dehors. Cest lignorance absolue. Un mur pare-balles transparent est testé pour stopper toutes velléités dindépendance et de créativité. Une poignée de musiciens est montée en épingle par le système de léconomie mixte. Lhomme est signé par un label genre Mondial Mozik distribué uniquement en France. Pollué par les subventions de lEtat, lhomme est choisi pour son talent évident de la vente par correspondance. Plus la peine découter les autres, Mondial Mozik a tout réglé pour vous. Cest la déconfiture du box-office. Donc le musicien qui nest pas intégré à ce système de Gold Exchange Art (DollArt de Philippe Simonnot, Gallimard, 1990) est condamné soit à se révolter méchamment ou soit à se faire acheter platement. Je nai pas dit condamné à se vendre, nuance ! Le musicien a toujours été condamné à séduire le public et à se vendre pour son auditoire. Avant il devait enfourcher les trompettes de la renommées. Maintenant cest autre chose ! Cest lamplification de la publicité qui doit le conduire chez un consommateur-auditeur standardisé. Il doit se faire échanger et acheter au Gold Exchange Art. Heureusement la mafia est loin. On est entre gens politiquement très corrects. Le ministère de la Culture veille sans relâche à la bonne marche des choses de lesprit. Je vais prendre fictivement la place pendant quelques secondes dun organisateur de concerts ou dun producteur quelconque. Il y a 52 semaines dans une année. Jai six semaines de vacances. Il reste 46 semaines. Jai quatre jours de travail par semaine. Cela donne 184 jours de travail ou je reçois dix propositions de concerts ou de disques par jour. Je reçois donc 1840 propositions par an, dont la moitié sont intéressantes et correspondent à peu près au style et à lesthétique de mon organisation, disons du jazz post-bop à lavant garde de demain. La situation est réellement merveilleuse et on se félicite de tant de créativité. Je reçois donc 920 propositions dignes dintérêt par an ! Pas question dinviter toujours les mêmes. Je me prends la tête pour savoir qui doit jouer et qui ne doit pas jouer chez moi. En fin de compte je ferai tourner les musiciens off du circuit officiel du jazz. Les officiels du off et futurs de chez Mondial Mozik ! Jorganise aussi des ateliers pour aider les jeunes musiciens à venir rejoindre la cohorte des gens qui sont si gentils à mon égard. Les futurs chômeurs, les Cultural Boat People (Jean-Luc Moulène, catalogue de lexposition Voilà) Jai réalisé un boulot vraiment formidable et je suis prêt à polémiquer pour justifier mes choix. Je reprends sans attendre mes guêtres de pauvre musicien spécialisé dans limprovisation proche du jazz. Je nai plus envie de discuter, ni même décrire mais jai toujours envie de jouer. Si vous voulez rejoindre le Gold Exchange Art suivez le conseil extrait de La Stratégie de lEchec (Dominique Farrugia, Michel Lafon, 2000) Insultez et traitez de pute la secrétaire de Mondial Mozik et le directeur de Zazz Fest . De cette façon vous êtes sûr de rester chez vous. Pas la peine de se fatiguer en répétant avec un orchestre ou davoir le trac le jour du concert. De plus ça laissera du travail aux officiels du off et aux sous-off . Aujourdhui cest le réveillon et jen profite pour vous énerver un peu. Drôle de moment ! Agacement ! drôle dépoque ! Un allumé du bulbe, du jazz et de " lelectro ", fatigué du monde du travail espère les mêmes chimères quune " rock star ", fatiguée des Cadillac roses. Laxolotl rêvasse aux mêmes folies que liguane. (I need more de Iggy Pop, le Serpent à Plumes, 1993) Si je pouvais adhérer à un véritable syndicat de musiciens aussi puissant quun syndicat de mineurs, qui puisse me garantir le droit de poser mes doigts huit heures par jour sur une guitare, que je sois bon ou mauvais, sils pouvaient me filer disons 250$ par semaine (ça vous paraît raisonnable ?) Je serai ravi de chanter et de jouer sur commande pour le monde entier. Tu vois, je préférerai encore ça à lindustrie capitaliste de la musique telle quelle est aujourdhui. Il vous reste 20 minutes pour péter les plombs, attention cest parti. Bon siècle. |
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